Il y a d’ailleurs rougeur et rougeur, dont chaque espèce convient davantage à un sexe et à une circonstance. Les rougeurs, qui parcourent les joues comme une risée à la surface d’un étang ou s’y déploient comme une brume promptement dissipée, se portent sans doute plus aisément, en tout cas chez les jeunes filles, que les empourprements s’installant comme des nuées d’orage. Et, si ces derniers conviennent aux situations où l’on est submergé par la colère ou bien où l’on voit sa honte et l’on s’en confesse, ils ne constituent pas des réactions appropriées à un compliment ou à un plaisir dont ils risquent de dénoncer la violence ou le caractère illicite.
Point n’est au reste besoin pour rougir de se sentir personnellement en cause. On peut rougir pour autrui, de ses ancêtres, de ses proches, d’étrangers auxquels vous lie une solidarité éphémère, de la fausse note d’un exécutant de concert, de la vulgarité d’un propos entendu au passage. On peut rougir dans le noir, au cinéma. Et rougir est rarement une manifestation corporelle isolée. Qui sait rougir à bon escient sait aussi baisser les yeux quand il le faut. Qui rougit à son corps défendant ne contrôle point la houle de son sang, ne contrôle pas non plus les battements de son cœur, ni les frémissements de ses membres.
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