Un jour que j’étais assise, le nez sur un livre, j’ai compris que quelqu’un me regardait de la grille. Je ne voyais qu’une ombre qui allait et venait, mais je n’ai pas bougé, j’ai fait comme si je ne m’en rendais pas compte. Le soir, je me suis dit que j’aurais dû regarder qui c’était. Au bout de quelques jours, la même chose s’est reproduite, mais avant j’avais entendu un coup de sifflet. J’ai levé les yeux et vu un garçon. J’avais le soleil dans la figure, il ne me le laissait pas bien voir. C’était un garçon dépenaillé, avec une mèche sur le front. Nous nous sommes regardés un moment sans rien dire et, à la fin, quand je l’ai reconnu, je me suis approchée de la grille et lui ai demandé comment il avait su où j’habitais. Il m’a dit que, la fameuse nuit du Liceu, il m’avait suivie quand on m’avait expulsée parce qu’il m’avait vue si petite qu’il en avait eu de la peine pour moi ; et que, lorsque le monsieur et la dame m’avaient emmenée en voiture, il s’était accroché derrière. Il m’a expliqué qu’il était souvent venu parce qu’il aimait regarder les petits jardins, les jardins autour d’une maison, et qu’il vivait avec son grand frère dans une baraque.
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