Editions
Bleu autour

(Édito #20)

Un archéologue, un dinosaure et un voleur de feu

Qui connaît la Besbre ? Elle prend sa source en Montagne bourbonnaise, qui sépare le pays roannais du bassin vichyssois, puis coule vers le nord, arrosant Lapalisse, Jaligny-sur-Besbre et Dompierre-sur-Besbre, avant de se jeter dans la Loire à Diou, en aval de Digoin. Nous sommes là en Sologne bourbonnaise qui « ne saint-tropèze par lourd », comme disait, pour s’en réjouir, René Fallet. À l’écart, auprès de sa rivière, il vivait heureux. Et l’ami de Brassens semait alentour des pépites littéraires aux incipit fameux : « Au village, sans prétention, il n’y avait plus rien » (La Soupe aux choux) ; « Ce fut en allant voter Pompidou que Frère Grégoire rencontra le péché » (Le Braconnier de Dieu… échappé de l’abbaye de Sept-Fons, à Diou, roman dont Bleu autour a récemment publié une réédition commentée et illustrée).
Mais l’inimitable Fallet n’est pas la seule bonne plume issue de cette petite région. Témoins ces trois nouveaux livres dus à des auteurs qui, comme lui, savent conjuguer l’ici et l’ailleurs, le singulier et l’universel.

Dans la Grotte des Fées
D’abord Guillaume-Joseph Bailleau (1830-1909), médecin à Pierrefitte-sur-Loire et figure de l’archéologie française : il est le principal découvreur de la Grotte des Fées, site si exceptionnel que la commune du val de Besbre où il se trouve, Châtelperron, a donné plus tard son nom à une culture de transition entre l’Homme de Néandertal et Homo Sapiens, le Châtelperronien ; surtout, le Dr Bailleau a laissé un journal illustré et une correspondance sans équivalent qui forment un rare témoignage sur les débuts de l’archéologie française. Édité et éclairé par Raphaël Angevin, conservateur en chef du patrimoine, l’ouvrage Dans la Grotte des Fées est publié avec le soutien du Centre national du livre et de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et prolonge l’exposition consacrée par le musée départemental Anne-de-Beaujeu de Moulins à « la fabuleuse aventure archéologique du docteur Bailleau » (du 4 février au 17 septembre 2023).

Journal intime de l’Allier
Ensuite François Colcombet. Un dinosaure de la politique ? Pas sûr : s’il fut longtemps maire de Dompierre-sur-Besbre, conseiller départemental et député de l’Allier, il a aussi été juge, président du Syndicat de la magistrature, “Monsieur Drogue”, directeur de l’Éducation surveillée, conseiller à la Cour de Cassation… Et tout en exerçant ces différentes fonctions, « le plus écolo des socialistes », aux dires d’une figure des Verts, n’a pas cessé d’écrire, jusqu’à aujourd’hui. Moins des livres que des articles et autres tribunes, chroniques, préfaces… Réunis, fût-ce très partiellement, dans ce Journal intime de l’Allier, ces alertes écrits forment l’œuvre remarquable d’un mémorialiste qui tient l’équilibre entre action et réflexion, province et Paris, politique et littérature, histoire et avenir immédiat. Salutaire à l’heure des tweets, ce recueil témoigne des vertus de la réflexion patiente et nuancée sur des questions complexes et brûlantes, dont celles de la folie, de la drogue ou de l’élevage industriel de cochons…

Le corps des pays
Enfin Luc Baptiste qui a grandi dans un écart de Lapalisse avant de devenir instituteur, docteur en sciences de l’éducation, photographe et écrivain-voyageur (relire Le village et enfin et La vie belle). Un « voleur de feu », comme l’écrit la romancière et nouvelliste Marie-Hélène Lafon (prix Renaudot 2020) en épilogue du Corps des pays. Ce livre part de l’invitation qui lui a été faite de mettre ses mots sur le chemin d’images que Luc Baptiste a composé pour elle. Des images saisies dans la haute vallée du Cantal, où elle a passé son enfance, et ailleurs dans le monde, de la Jordanie à New York, en passant par la Grèce et… l’Allier. Marie-Hélène Lafon, qui sait Luc Baptiste né comme elle les pieds dans la terre, voit dans les paysage qu’il photographie « le corps des pays ». Lire aussi le magnifique dernier roman de Marie-Hélène Lafon, Les Sources (Buchet•Chastel), et voir les deux premiers ouvrages de photographies de Luc Baptiste, Sur la route du Karakoram et Autre part (Bleu autour, 2008, 2019), ainsi que ses chroniques sur le site de Bleu autour.

Post-scriptum
• pour saluer la mémoire du « penseur du “nouveau régime climatique” » (Le Monde), le philosophe Bruno Latour qui s’était fixé à Châtelperron et qu’on retrouvera le 31 mars sur l’écran du cinéma René-Fallet de Dompierre-sur-Besbre ;
• pour vous inviter à lire le premier roman de la Bourbonnaise Marianne Rötig, La Disparition des rêves (Gallimard), qui vient de paraître et lui vaut ce premier éloge (la romancière sera à la librairie Le Talon d’Achille de Montluçon le samedi 25 mars à partir de 10h30 et, la veille, à 18 heures, à la salle de la Justice de Paix de Saint-Pourçain-sur-Sioule) ;
• pour signaler que les trois livres décrits plus haut sortent très prochainement en librairie et sont déjà disponibles sur www.bleu-autour.com ainsi que dans des points de vente du val de Besbre, du val d’Allier et du val de Cher (car, de même que le département de l’Allier est bordé, à l’est, par la Loire, il l’est, à l’ouest, par le Cher qui traverse Montluçon : fin de la leçon de géographie).

Pierre Vincent
(pseudonyme de l’éditeur)

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